Une tâche ingrate [Mission de rang D]

-----Juste après avoir pris son ordre de mission, Kana était rentrée chez sa tante pour se changer. Elle supposait qu'elle se retrouverait dans la gadoue jusqu'à mi-cuisses alors autant prévoir le coup. Avant de sortir, Kana songea à prendre quelques bandages, les sangsues, c'était dégueux et ça pouvait laisser de sales traces sur la peau.

-----Le soleil n'était pas encore très haut lorsque Kana arriva sur son lieu de mission. Des paysans entretenaient déjà les rizières, un chapeau conique vissé sur le crâne, retenu par une lanière nouée sous le menton. Leurs pantalons étaient relevés, leurs manches retroussées, leurs fronts étaient noyés sous la sueur de leur labeur, leurs mains et leurs pieds plongés dans l'eau glacée des champs de riz. Kana n'avait pas fini de détailler la scène qui se déroulait sous ses yeux. Une légère brise chargée de l'humidité des récoltes parvint jusqu'à elle, la faisant frissonner. L'idée de porter un short pour épargner ses pantalons n'était pas mauvaise mais les chances qu'elle attrape un vilain rhume étaient élevées. Kana soupira.

-----Une femme replète, la trentaine, aperçut enfin qu'une genin lambinait en haut de la colline surplombant les terres de culture. Vêtue d'une robe rapiécée surmontée d'un tablier blanc immaculé, elle tenait d'une main ferme contre sa hanche un panier en paille de riz tressée dans lequel reposaient des champignons qu'elle venait sûrement de cueillir dans les bois environnants. Avec toute cette humidité, ils devaient envahir les bosquets. La femme fit un signe engageant à Kana de sa main libre, l'invitant à la rejoindre. L'originaire de Suna s'approcha donc.

Mademoiselle, bienvenue, nous attendions avec impatience l'aide promise par Kinpaku. Il faut avouer que nous, pauvres paysans, croulons sous le travail. Comme vous le voyez, les rizières s'étendent à perte de vue et nous ne sommes que l'équivalent d'un petit village pour nous occuper de tout ce terrain. Ça nous occupe toute l'année. Entre l'entretien et la récolte du riz, il faut encore faire face aux caprices de la nature, aller en ville vendre le fruit de notre travail, acheter du matériel, entretenir nos outils et j'en passe. Alors, vous comprenez, lorsque des nuisibles viennent en plus s'installer dans les champs, ça ralentit de beaucoup notre travail. Nous n'avons pas la résistance nécessaire pour supporter ces horribles buveuses de sang. C'est pourquoi nous demandons régulièrement l'aide de Kinpaku. Chaque mois environ, un ou deux ninjas viennent nous assister. Leur force et leur rapidité nous sont d'une grande aide vous savez.
S'il vous plaît, faites du bon travail !

-----Kana s'était demandée quand cette femme allait enfin s'arrêter de parler. Son babil incessant était parvenu à lui donner le vertige. La paysanne, après avoir clôturé son monologue, s'inclina respectueusement devant l'adolescente. Cette dernière trouvait étrange d'être considérée comme la sauveuse du monde alors qu'elle venait simplement aider ces pauvres paysans à se débarrasser d'une poignée de sangsues. C'était trop d'honneur pour de simples bestioles. Légèrement mal à l'aise, elle pria la dame de se redresser. C'est alors qu'elle aperçut les hideuses traces de succions qui parsemaient la peau des jambes de la paysanne. Kana déglutit.

Ne me dites pas que ce sont les sangsues qui hantent vos champs qui sont à l'origine des traces sur vos jambes !

-----Heureusement que Kana était une ninja sérieuse qui gardait ses émotions pour elle. Sinon, elle aurait misérablement glapit comme un chiot blessé lorsque la femme acquiesça à sa presque question. Ses pauvres jambes allaient souffrir. Avant de s'atteler avec courage à sa tâche, Kana suivit la paysanne dans sa chaumière pour y déposer ses quelques affaires. Elle en profita également pour examiner plus en profondeur les blessures de la dame.

Hm, je peux vous soigner ça en deux temps trois mouvements mais je n'aurai pas les ressources nécessaires pour le faire à tout le monde. Donc, vous n'avez rien vu, rien entendu, je n'ai rien fait, je n'étais pas là.

-----C'est avec un sourire amusé que la dame accepta le marché de la genin. Pour la peine, elle lui cuisinerait un bon petit plat avec les champignons qu'elle venait de cueillir. C'est que ces traces pas encore cicatrisées grattaient désagréablement, l'adolescente lui retirait une sacrée épine du pied. La paysanne observa Kana sortir de sa petite maison, le dos droit, les épaules un peu crispées peut-être. L'adolescente n'avait pas l'air enthousiaste à l'idée de se faire sucer le sang. Elle rejoignit un groupe de paysans occupés à récolter du riz. Ils lui indiquèrent les carrés de terres où nichaient les bêtes. Résignée, Kana retroussa ses manches, ôta ses chaussures et s'avança dans l'eau boueuse noyant les plantes de riz. Brr, l'eau était gelée.

Spoiler:

-----Ces sales bestioles avaient senti la chair fraîche plonger dans la rizière où elles barbotaient. Kana sera les dents en en sentant quelques unes se coller à ses mollets. Elle frissonna, la sensation était désagréable. Mais Kana se retint de ressortir recta de la rizière, elle avait une mission à accomplir, aussi ingrate soit-elle. L'eau glacée ferait office d'anesthésiant le temps qu'elle dégage les sangsues des champs de riz.

*Allez, tu disais il y a à peine une heure que les missions de rang D étaient bidons.*

-----Kana expira bruyamment. C'était bien beau de patauger dans l'eau boueuse mais les sangsues n'allaient pas se sortir de leur nid douillet toutes seules. L'eau n'était pas assez claire pour que Kana y voit à travers, elle devait donc exclure l'option 'je les embroche avec mes kunais et mes shurikens'. L'adolescente devrait se la jouer mesquine. Mais comment appâter les sangsues autrement qu'en leur exposant sa peau ? Kana ne voulait pas se vider de son chakra à force de jutsu de soin. Elle refusait de se retrouver avec les mêmes horribles cicatrices que la paysanne arborait avant qu'elle ne la soigne.

-----La genin stoppa ses pensées net. Chakra, c'était le bon mot ! Comment réagiraient les sangsues si elle enduisait ses mains de chakra, juste assez pour qu'elles le ressentent ? Aussitôt pensé, aussitôt exécuté. Kana se pencha en avant et plongea ses mains imbibées de chakra. Bingo. Les sangsues s'étaient littéralement ruées sur ses mains. L'adolescente les sortis de l'eau et fit la grimace en voyant leur grosseur. Elles étaient énormes. Quelle horreur ! Kana regarda un moment autour d'elle pour aviser un seau mais n'en trouva aucun à proximité. Rha, c'était vraiment pas son jour. Elle aurait du y penser. Chargée d'immondes choses gluantes sur ses mains et un peu moins sur ses mollets, Kana appela un des paysans.

Je pourrais avoir un seau ou même un panier dans lequel mettre ces bestioles ? Ho et si vous avez un filet de pêcheur et un bâton, ça m'aiderait beaucoup aussi !

-----Sa demande fut exaucée rapidement. Tandis que le paysan lui apportait ce qu'elle souhaitait, il observa d'un œil mi-inquiet mi-admiratif les sangsues qui recouvraient entièrement ses mains.

Comment vous faites pour supporter toutes ces sangsues sur vos mains ?
Ho, j'ai imbibé mes mains de chakra, je ne sens rien du tout. Tenez, je vais intensifier la dose et ça leur sera si insupportable qu'elle se détacheront comme des grandes.

-----Kana ne connaissait rien aux sangsues et elle espérait intérieurement avoir vu juste. Elle joignit le discours à l'action. Comme par miracle, les sangsues se détachèrent une à une de ses mains pour tomber dans le seau présenté par le paysan. Kana se lança avec appréhension dans l'observation de ses mains : elles étaient dans un état lamentable. Kana ne voulait même pas penser celui dans lequel se trouvaient ses mollets, brr.

-----Le temps que prit le paysan pour se pâmer d'admiration devant cette technique incroyable, le nez plongé dans le seau pour observer les sangsues se tortiller, Kana eut l'occasion de soigner ses plaies à l'aide du chyite no jutsu. Quand l'homme releva les yeux du seau, il constata que l'adolescente n'avait aucune trace sur les mains. Incroyable. Cette manie de tomber d'admiration pour une poignée de bestioles amusait beaucoup l'adolescente. Aussi laissa-t-elle le paysan partir vanter ses mérites à ses collègues peinant à la tâche.

-----Bon, c'était loin d'être fini et Kana n'avait pas envie de sacrifier encore une fois ses mains. Elle avisa le filet de pêche et le bâton éparpillés sur le sol, à côté du seau. Kana s'en empara. Elle se concentra un instant pour diffuser son chakra dans le filet, glissa le bâton autour pour ne pas qu'il tombe entièrement dans l'eau et le plongea dans la rizière. Il ne suffisait plus qu'un peu de patience...

-----Kana fut sincèrement heureuse de voir que le nombre de sangsues agglutinées dans son filet se réduisait à une dizaine. Elle avait fini ! Enfin, elle plongea tout de même son filet imbibé de chakra et fit à nouveau le tour des rizières, histoire de capturer les derniers survivants. Ce fut inutile, le filet ressortit vide. Kana esquissa un sourire. Elle pourrait enfin rentrer chez elle et prendre un bonne douche.

-----En sortant de la rizière, Kana étouffa de justesse un cri d'horreur. Elle avait oublié les sangsues collées sur ses jambes. Elle s'en débarrassa rapidement en relâchant une dose insupportable de chakra pour les sales bêtes. Mais l'état de ses jambes... par tous les Kage, ce n'était pas beau à voir. Elle fouilla dans la poche arrière de son short en jeans et en sortit les bandages qu'elle avait eu la présence d'esprit d'emmener avec elle. Kana s'installa en tailleur sur la terre meuble et entreprit de soigner sa peau du mieux qu'elle pouvait. Cependant, elle était épuisée par cette journée. De plus, elle avait utilisé beaucoup trop de chakra pour parvenir à exécuter un chyite no jutsu parfait. Elle fit du mieux qu'elle put, banda ses mollets et se promit de s'occuper du soin de sa peau dès que ses batteries seraient rechargées.

-----Pour une mission bidon, Kana était crevée. Elle s'avoua avec mauvaise foi que les missions de rang D pouvaient en effet être susceptibles d'endurcir les petits genins sortant de l'académie. Mais elle n'irait pas le dire à haute voix, on pouvait toujours rêver.