Prise de possession des lieux [PV]

Invité

La pluie peut sembler lourde parfois. Hoshii leva les yeux au ciel, et se demanda comment les nuages de Kiri faisaient pour ne jamais s’arrêter de lâcher de l’eau comme cela. Indécise, sa canine supérieure s’enfonça dans sa lèvre, pour la ramener à la réalité. Qu’est ce qu’elle fichait ici, déjà ? Ah si, elle savait. Elle avait quitté l’auberge, d’une part parce qu’elle était à court d’argent, et que sa présence même mettrait l’obaa-san en danger. Elle s’était rendue au service de logement des ninjas. On lui avait proposé une minuscule chambre sous les combles à l’académie. Encore, que ce soit petit, sale, et mal chauffé, elle aurait pu accepter. Mais des fuites dans la toiture qui inondaient la chambrette, non. Alors, on lui avait dit que le Mizukage hébergeait les ninjas qui, justement, ne trouvaient pas à se loger. Ce doit être un genre de blague.

Alors pour le moment, elle est là, sous le porche de la maison, hésitant à entrer ou à prendre la chambre au plafond troué, pesant soigneusement le pour et le contre. Commençons par le pour, voulez-vous ? D’abord, dans cette maison, elle ne risque pas d’être réveillée par la pluie gouttant d’un plafond centenaire mal entretenu. Ensuite, c’est la baraque du big boss, autrement dit, une forteresse où il y aura une certaine sécurité. Quoi que, avec ses yeux de monte-en-l’air, elle ait déjà vu des failles, mais passons. Enfin, être ici, c’est s’assurer d’être au cœur de l’action, d’écouter et de capter beaucoup de choses. Sans trop s’impliquer bien sûr. Car, dans la liste des points négatifs, il y a ça. Cette maison, c’est ce qu’on pourrait appeler grossièrement une colocation. Autrement dit, vivre avec d’autres personnes. Il allait lui falloir faire abstraction de cette répulsion pour être là où elle voulait être. Sa main gauche se déplia. On lui avait donné une clé. Son regard s’accrocha à cet objet au fond de sa paume.

Comment elle prit sa décision ? Elle-même n’en était pas sûre. Pour autant, elle était entrée. C’était la sensation plus étrange qu’elle ait jamais connue, n’ayant jamais eu besoin de clé pour rentrer où que ce soit. Le son de la porte se refermant lui donna envie de ressortir aussitôt. Son ouïe affutée n’entendait aucun son en particulier dans la maison, mais elle restait sur ses gardes, comme un chat dans une nouvelle maison (ce qui était à peu près ce qu’elle était, si on prend les choses symboliquement). A pas de loups, mais semant les gouttes de pluie derrière, elle avança le long du couloir, avant de tomber sur un salon, le plus normal qui puisse exister. Son sourcil droit se souleva en un accent circonflexe interrogatif, avant de continuer plus avant. Le tour du rez-de-chaussée fut vite expédié. Le temps de s’adapter à la configuration des lieux, à leur odeur, au bruit des pas sur le sol. Une maison, c’était comme un corps humain, cela avait ses fluides, ses rythmes, ses battements de cœur…

Montée à l’étage, Hoshii s’était vite installée. La chambre ici était plus grande que celle qu’on lui avait proposée, propre, chaude, isolée. Automatiquement, elle avait bougé le lit, plaçant la tête au Nord, avant d’organiser le reste de l’espace. Quand elle eut fini, elle posa ses mains sur ses hanches, et eut un frisson en remarquant que ses vêtements étaient humides à cause de la pluie. Elle les ôta pour ne pas attraper froid, et enfila ces dernières fringues propres qui traînaient au fond de sa besace, un large pantalon en coton noir et une tunique échancrée d’un violet sombre, qui dataient de l’époque où elle n’était que la fille des rues d’une ville anonyme du Sud. Réchauffée, elle accrocha les vêtements mouillés sur le dossier d’une petite chaise pour qu’ils sèchent, avant de voir sur le sol, l’insigne des ninjas de Kiri. Elle n’avait pas encore eu le temps de décider comment porter ce truc. Comme si elle sentait que cela l’attachait pour de bon. Cependant, hors de question d’arborer ça sur son front, cela l’énerverait trop. Décidée, elle le noua autour de son cou, et le tissu noir autour du métal faisait ressortir son cou pâle et le réseau fin des veines courant sous la peau. Alors qu’elle terminait le nœud, un tic parcourut les muscles de son dos. Elle aurait juré entendre quelqu’un dans la maison. Son cerveau s’engourdit un instant, se demanda s’il fallait qu’elle descende se présenter… Jusqu’à ce que son cerveau lui dise que ça pouvait tout aussi bien être quelqu’un qui n’était PAS de la maison. Instinctivement, elle saisit un des kunais coincés dans le passant de son pantalon.